Collectif de freelances ou structure en agence : quel choix faire ?
Quand plusieurs freelances commencent à travailler ensemble, la question arrive vite : faut-il rester un collectif souple ou créer une vraie agence ? Derrière ce choix, il n’y a pas seulement une histoire “d’ambiance” ou d’organisation. Il y a un modèle économique, une promesse client et des implications juridiques et fiscales très concrètes.
Le collectif peut être une excellente façon de tester, d’absorber des deals plus gros et de mutualiser l’acquisition. Mais il a aussi des limites structurelles dès qu’on touche à la récurrence, à la responsabilité vis-à-vis des clients ou à l’envie de construire une marque durable. L’agence, elle, apporte un effet levier évident mais au prix d’une discipline de gestion et d’un cadre légal plus engageant.
Après lecture de notre propos, vous devriez pouvoir trancher lucidement. Pas en mode théorie, mais en fonction de vrais critères qui font réussir un collectif ou une agence.
Comprendre les deux modèles bien distincts
On met souvent “collectif de freelances” et “agence” sur un même axe, comme si l’un était un stade 1 et l’autre un stade 2. En réalité ce sont deux logiques différentes.
Le collectif de freelances
Un collectif est un réseau d’indépendants qui coopèrent. Chacun reste juridiquement autonome, facture ses prestations et gère son activité. Le collectif peut être très structuré dans sa manière de travailler, sans être une structure juridique unique.
Le modèle est donc multi-entreprises. Il repose sur la confiance et la coordination.
L’agence (structure unique)
Une agence est une entité juridique qui vend des prestations en son nom. Les clients contractent avec l’agence, pas avec les individus. L’agence facture, encaisse, supporte la responsabilité et rémunère ses intervenants (salariés ou freelances).
Le modèle est entreprise centrale + équipe. Il repose sur une promesse et une organisation.
Pourquoi le collectif de freelances n’est pas toujours la meilleure solution ?
Le collectif est séduisant parce qu’il évite la lourdeur du “monter une boîte”. Mais ses limites ne sont pas anecdotiques. Voici les principales.
La responsabilité est floue quand un projet déraille
Tant que tout se passe bien, la souplesse est agréable. Le jour où un client conteste une livraison, demande un remboursement ou invoque un retard, la question devient immédiate : qui est responsable ?
Dans un collectif sans structure unique, le client est souvent obligé de gérer plusieurs interlocuteurs, plusieurs factures et plusieurs responsabilités. Cela peut fragiliser la relation commerciale sur des projets engageants.
La promesse client est difficile à rendre cohérente
Une agence vend une expérience homogène, un collectif vend une addition de talents.
Si vous visez des clients qui attendent un “niveau agence” (process, deadlines, interlocuteur unique, garantie de continuité), il faut une cohérence plus forte que celle d’un simple regroupement.
La dépendance aux personnes bloque la croissance
Un collectif repose sur la disponibilité des membres. Si l’un devient indisponible, c’est souvent le collectif qui ralentit. Vous pouvez scaler un collectif, mais rarement sans frictions.
Le modèle reste naturellement lié à l’énergie individuelle et aux choix professionnels et personnels de chacun. Au sein d’une agence, les dirigeants ou gérants sont souvent plus alignés sur leur manière de faire (ou du moins, ils n’ont pas de choix que de l’être)
Le pilotage économique devient vite fragile
Dans un collectif où chacun facture en direct, il n’y a pas de compte de résultat commun.
Cela complique : la fixation d’un prix global, la répartition de la marge, l’investissement dans l’acquisition, ou même la simple lecture de rentabilité d’un projet multi-membres. Vous avez une coordination de revenus, pas une économie unifiée.
Ce que la création d’une agence digitale ou marketing permet vraiment
Créer une agence n’est pas “faire pareil mais avec une SAS”. C’est un changement de logique.
1. Vous avez un interlocuteur unique et une responsabilité assumée
Pour le client, c’est un énorme facteur de confiance. Il signe un contrat unique, paye une facture unique et sait à qui s’adresser en cas de problème. Cela ouvre la porte à des projets plus gros et plus récurrents.
2. Vous agissez en tant que marque aux compétences multiples
L’agence permet de construire une marque reconnue, un site, une expertise sectorielle, des références et des méthodes. Un collectif peut aussi le faire, mais l’effet “capitalisation” est plus naturel dans une structure unique.
3. Vous créez un effet levier sur le temps et la production
Vous pouvez mixer salariés et freelances, industrialiser certains livrables, créer des offres packagées et lisser la charge. Le modèle devient moins dépendant de chaque individu, donc plus scalable.
3. Vous disposez d’une économie commune pilotable
Vous avez un chiffre d’affaires central, des charges communes et une marge que vous pouvez investir. C’est ce qui rend possible l’acquisition structurée, le recrutement et la croissance anticipée.
Les questions à se poser pour choisir entre collectif et agence
Il n’y a pas un bon choix abstrait entre rester freelance en collectif ou créer une agence, il y a un choix cohérent avec votre trajectoire.
Quel type de clients visez-vous ?
Si vos clients sont des PME qui veulent “les meilleurs profils” et acceptent plusieurs factures, le collectif peut suffire.
Si vous visez des institutions, des grands comptes ou des deals récurrents, l’agence devient presque un prérequis : ils cherchent une responsabilité unique et un niveau de service standardisé.
Avez-vous envie de porter une marque commune ?
Certains collectifs sont heureux dans une logique “guildes de talents”.
D’autres veulent devenir une marque et un modèle. Si vous voulez qu’on vous choisisse pour une identité, une méthode et une promesse, le modèle agence est plus adapté.
Où voulez-vous mettre la marge ?
Dans un collectif, la marge reste chez chacun.
Dans une agence, une partie de la marge devient collective. Elle sert à financer le business (vente, acquisition, outils, management). Ce n’est pas un coût perdu, c’est un carburant de croissance.
Si personne n’est prêt à alimenter une marge commune, la structure unique sera instable.
Qui porte le risque opérationnel ?
Collectif : le risque est éclaté.
Agence : le risque est centralisé (sur la société et sur son dirigeant).
Le bon choix dépend de votre appétence à assumer ce pivot psychologique.
Des options “hybrides” si vous n’êtes pas prêt à trancher
Entre collectif informel et agence full-structure, il existe des cadres intermédiaires utiles pour tester.
Le portage commercial ou la structure de facturation commune
Vous gardez des freelances indépendants, mais une société porte la relation client et refacture ensuite les prestations.
C’est souvent la meilleure étape “entre deux” si vous voulez un interlocuteur unique sans créer immédiatement une agence complète.
Le GIE ou la coopérative d’activité
Un GIE permet de mutualiser certains moyens (commercial, achats, outils) tout en gardant vos entreprises séparées.
Les coopératives d’activité et d’emploi sont une autre voie, surtout pour des collectifs qui veulent un cadre mutualisé et une protection proche du salariat.
Ces formats demandent un peu de gouvernance mais évitent l’effet “agence trop tôt”.
Créer une agence : quelles implications juridiques et fiscales ?
C’est souvent le frein principal. Clarifions les sujets les plus importants à craquer rapidement si vous optez pour le format « agence ».
Le choix de la forme juridique : SAS ou SARL ?
Les agences choisissent souvent :
- SAS/SASU pour la souplesse de gouvernance, l’entrée d’associés et la logique de croissance.
- SARL/EURL pour un cadre plus encadré, parfois plus simple au tout début.
Les deux sont imposées en principe à l’IS, avec une déclaration de résultat annuelle et une comptabilité complète.
Le statut social du dirigeant
C’est un point très concret sur le coût de votre rémunération :
- En SAS, le dirigeant est assimilé salarié. Protection sociale plus complète, cotisations plus élevées.
- En SARL, le gérant majoritaire est TNS. Cotisations plus basses, protection moins forte, logique de rémunération différente.
Le choix dépend de votre stratégie de rémunération et de trésorerie.
La TVA et la facturation
Une agence facture de la TVA (sauf cas très spécifiques).
Cela améliore la crédibilité B2B, permet de récupérer la TVA sur les charges, mais impose une discipline déclarative mensuelle ou trimestrielle.
Si vos clients sont majoritairement pros, c’est rarement un problème. Si vous vendez aussi à des particuliers, le pricing doit anticiper « l’effet TVA », d’autant plus si vous facturiez sans jusque-là.
La responsabilité contractuelle
L’agence devient responsable de la prestation globale.
Cela implique des contrats cadrés, une assurance RC Pro solide et des conditions générales adaptées. C’est ce qui sécurise vos deals et vous évite les litiges “à l’émotion”.
Une trajectoire logique que beaucoup suivent
La plupart du temps, beaucoup de projets suivent une progression simple et identique.
Vous commencez en collectif non formalisé pour tester la compatibilité, la demande et la capacité à vendre ensemble.
Vous passez ensuite par un cadre hybride quand les clients grossissent et demandent un interlocuteur unique.
Vous créez une agence quand la récurrence et l’ambition commune sont là, avec un modèle économique qui justifie une marge collective.
Ce chemin évite deux erreurs classiques : monter une agence trop tôt ou rester collectif trop longtemps alors que le marché vous pousse à vous structurer.
Faire le bon choix entre freelancing ou création d’une agence avec Excilio
Le choix collectif vs agence est un arbitrage stratégique. Il touche à votre ambition, à votre modèle de vente et à votre capacité à piloter une économie commune.
Notre cabinet Excilio accompagne régulièrement des collectifs qui arrivent à ce moment charnière. Notre rôle n’est pas de vous pousser vers la société “par réflexe”. Notre rôle est de :
- Valider si votre modèle économique supporte une structure centrale
- Sécuriser le cadre juridique (contrats, responsabilité, assurance)
- Anticiper l’impact fiscal et social sur votre rémunération
- Mettre en place un pilotage simple pour éviter les surprises de trésorerie.
Si vous hésitez entre rester collectif ou passer agence, un diagnostic rapide suffit souvent à voir quel modèle est cohérent avec vos clients et votre trajectoire.
